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La truffe est un produit relativement homogène à la dégustation, aussi bien en terme de goût, d'odeur et de texture (exception faite pour la truffe de Chine que nous laisserons de côté dans cet article). Il est donc difficile de différencier une truffe d’une autre en fonction de son origine. La différence de goût vient donc principalement de l’espèce de la truffe.
Il existe une grande variété de truffes, on dénombre aujourd’hui plus d’une centaine d’espèces. Malgré ces différentes variétés, la plupart sont quasiment sans goût et inodores et donc sans utilité culinaire. Parmi, les truffes disposants de vertus gustatives, le genre Tuber est le seul véritablement adapté à la consommation humaine (tandis que les autres genres sont principalement prisés des animaux).
Au final, il existe seulement 4 types de truffes noires et 3 types de truffes blanches (dont la plus rare de toutes, la truffe d’Alba). Ces variantes apparaissent en fonction de l’environnement et terroir où se développent la truffe (composition du terrain, humidité, température, etc.). Chacune dispose d’un goût spécifique ; il est d’ailleurs relativement simple de faire la différence entre une truffe noire et blanche. En revanche, il est très difficile de reconnaitre les différents types de truffes noires (ou blanches) pour les non connaisseurs. La truffe d’Alba reste néanmoins une exception notable qui dispose d’un goût particulièrement singulier.
Les truffes noires poussent dans de nombreuses régions du monde : France, Espagne, Croatie, Slovénie, Grèce, Australie. On en trouve aussi -mais moins couramment- en Serbie et Hongrie. La truffe blanche d’Alba est quant à elle est plus rare, on la retrouve le plus souvent en Italie et Croatie tandis que les autres variétés blanches se développent en France, Allemagne, Grèce, Maroc et Algérie.
La truffe dégage un parfum et un goût particulièrement fort et singulier. D’un point de vu chimique, cette saveur correspond à la catégorie des composés « organosulfurés ». Les chimistes et biologistes modernes ont tenté de partiellement répliquer la saveur et l’odeur si unique de la truffe à partir d’une molécule au nom barbare nommée bis(méthylthio)méthane (abrégé en 2,4d).
Cette molécule est devenue très populaire auprès des producteurs de produits à la truffe afin de baisser leurs coûts de fabrication de façon significative. Cela permet évidemment d'augmenter leurs marges ou de se montrer plus compétitif sur les prix de vente.
Aujourd’hui, il n’existe pas de réglementation obligeant un producteur d’indiquer de façon explicite la présence de cette molécule de synthèse. Beaucoup en profitent donc pour remplacer les véritables truffes par la 2,4d, ce qui s’apparente à de la publicité mensongère pour le consommateur. Le plus grand producteur de produits à base de truffe au monde -Sabatino- avait d’ailleurs fait l’objet d’un procès de la part des consommateurs aux USA pour usage abusif et non déclaré de la molécule 2,4d.
Cet arôme artificiel ne peut néanmoins pas remplacer la véritable truffe pour plusieurs raisons. D’abord, car la truffe dispose d’un goût beaucoup plus complexe ne pouvant se résumer à une seule molécule. Selon si elle est blanche ou noire, vous y trouverez des saveurs musquées et forestières, mais aussi d’ail, de noisette et amande, un léger arrière-goût de reglisse, etc. C’est l’assemblage de toutes ces saveurs qui fait la particularité et l’entièreté du goût de la truffe. On ne consomme donc pas le véritable goût de la truffe avec des arômes de synthèse.
Ensuite, car cette molécule n’est pas « longue en bouche ». Cela veut dire qu’au moment de la dégustation, la saveur ne restera pas aussi longtemps sur vos papilles que si vous consommiez de la véritable truffe.
De plus, la 2,4d s’adapte très mal à la cuisine contrairement à la truffe. La véritable truffe est par essence forte en goût et odeur, mais aussi volatile. Lorsqu’elle est cuisinée, il faut faire preuve de dextérité et parcimonie pour obtenir une bonne captation de son arôme tout en conservant un équilibre des saveurs du plat. Ces techniques restent néanmoins relativement accessibles, il n’est pas nécessaire d’être un chef étoilé pour cuisiner un plat à la truffe! La molécule 2,4d s’avère encore plus volatile, ce qui nécessite d’utiliser des dosages accrus ainsi que des modes de préparation (cuisson, assaisonnement, marinade, etc.) totalement différents. En d’autres termes, il est nécessaire d’adapter l’ensemble de la préparation du plat et d’y ajouter cet arôme de synthèse en grande quantité ; au risque de tout rater (ou de complètement transformer le met final).
Enfin, les arômes artificiels ne disposent de bonnes propriétés de conservation. Leurs saveurs disparaissent très rapidement après ouverture du produit. Cela peut s’avérer problématique pour des produits de longue conservation comme l’huile, vinaigre ou miel à la truffe.
Il est vrai que le prix de la truffe est soumis à de grandes variations d’une année à l’autre, notamment en cas de pénurie. Les quantités produites ne peuvent être anticipées. Les truffes poussent dans la nature, dans des zones propices à leur développement appelées « truffières ». En revanche, il n’existe pas d’exploitation ou d’agriculture de la truffe permettant de contrôler la production et donc les prix. Les volumes récoltés chaque année dépendent -entre autre- du climat mais aussi d’autres facteurs comme la taille moyenne, la fermeté et l'hydratation du millésime.
La truffe est souvent présentée comme un produit gourmet rare et destiné à la haute gastronomie. Ce mythe est entretenu par la presse relatant des ventes exceptionnelles, comme par exemple lors de d’une enchère où le prix du kilo de truffe avait dépassé les €100,000 (simplement car il s’agissait d’une grosse truffe entière). Par ailleurs, il n’existe pas de « gendarme de la bourse de la truffe », les prix sont fixés directement sur les marchés locaux entre commerçants. Cela créait naturellement des biais et un manque de transparence dans l’évaluation réelle du prix de la truffe.
Ce qui est en revanche moins raconté, c’est que la truffe dispose de très bonnes propriétés de conservation à long terme (à condition de bien la préparer et stocker). Le risque de pénurie s’avère donc assez bien maitrisé par les récolteurs et distributeurs. Quant aux prix relayés par la presse, il s’agit avant tout de publicité pour les acheteurs et leurs entreprises (bien que les enchères soient volontairement conclues à des prix déraisonnables). Ces arguments marketings (en plus de ce que nous avons expliqué plus haut sur la variété et l’origine) tendent à entretenir le mythe du prix élevé de la truffe alors que celle-ci n’est en réalité par si coûteuse. D’ordinaire, le prix de la truffe blanche d’Alba s’établie autour de €1,500 / kg, les autres truffes blanches environ à €850 / kg et les truffes noires à €650.
En comparaison, la production de la 2,4d s’avère littéralement 1 000x moins couteuse. Il n’est donc pas surprenant de retrouver des « produits à la truffe » à des tarifs extrêmement abordables (nous vous apprenons notamment à reconnaitre le bon prix pour de l’huile à la truffe dans l’un de nos articles). Ne tombez pas dans le piège, si c’est le prix est trop beau pour être vrai, c’est qu’il n’y a probablement pas la moindre once de truffe dans le produit en question ! Par ailleurs, gardez bien en tête que si le producteur a osé remplacer de la véritable truffe par un arôme de synthèse sans vous avertir, il a bien pu substituer d’autres ingrédients uniquement dans le but de faire des économies sur la production.
Il existe néanmoins de l’espoir. Une entreprise française en collaboration avec un groupe de chercheurs a récemment annoncée avoir identifié une méthode pour cultiver la truffe blanche d'Alba directement dans un verger. Bien qu’il s’agisse seulement des prémices de la « domestication » de la truffe, on peut espérer que ce type de truffier permettra de progressivement faire baisser le prix de la truffe d’ici 10 à 15 ans. Une belle touche d’optimisme qui aurait ravi les plus grands amateurs de truffe toute génération confondue (d’Apicius à Fernand Point) et qui -nous l’espérons- contribuera à rendre l’art gourmet accessible à tous.
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